Je m'en rappelle comme si c'était hier. C'était un dimanche 25 février de l’année 2007 et j’étais un primo votant. J'avais l'honneur de me rendre à mon bureau de vote, après le déjeuner. Accompagné d'un ami d'enfance, nous étions heureux et enthousiastes.
Nous nous sentions concernés et responsables. Dans l'allégresse, nous avons fait les rangs, sous le soleil. Au centre de vote, c'était le pays en miniature : Vieux, jeunes, hommes, femmes, vendeurs, policiers chacun était dans son commerce. Je me remémore tout le décor et les procédures du vote.
Nous avons pu effectuer le vote dans les meilleures conditions. Après avoir beaucoup fait et pendant des mois, pour obtenir nos pièces d’identité nationale et cartes d’électeur numérisées, nous avons finalement pu prendre part à une élection, pour une première fois. C'était la présidentielle. L'élection avait eu lieu à date.

De l'encre indélébile sur nos doigts comme un trophée du citoyen patriote, nous avons vécu pleinement la fierté d'être sénégalais et décideur. Nous venions d'exprimer notre droit de vote. Un sentiment indescriptible du devoir accompli nous habitait, nous que l'école de la République avait formé et que la Tradition avait forgé.
Lors de ce baptême de feu à une présidentielle, jamais nous n'avions imaginé que ce pays connaîtra le recul et la faillite qui nous empêcherait, nos anciens, nos plus jeunes compatriotes et nous, de pouvoir toujours vivre de plus bel ce grand évènement politique, social et culturel.
Hélas, nous venons de manquer cette date. En ce 25 février 2024, nous venons de rater le rendez-vous pour trois fois rien : aucun motif valable, légal ou légitime. Quel recul ! Quel échec ! Quelle honte ! Aujourd'hui, avec plus de maturité politique et avec des motifs de choix individuels mieux éclairés, je ne pourrais pas voter.
Il n'y a pas d'élection, et ce n'est même pas ce qui me fait le plus mal. Le vote est un droit, un devoir citoyen fort sympathique que je n’aurais pas la liberté et le luxe d’exercer aujourd’hui. Cela me fruste, me dépite et me rend triste certes, mais ce n’est rien comparé à ce que je ressens quand je pense à tous ceux qui, avec courage et honneur, ont donné leur sang, leur corps et leur vie pour permettre à l'âme de cette République de s'épanouir et à ses aspirations démocratiques de trouver satisfactions.
Aujourd'hui, je suis meurtri de constater que mon pays, dans sa quête de liberté et sa marche vers plus de démocratie, est tombé entre les mains de personnes qui, avec égoïsme individuel et l’obscurantisme politicien, se sont cru plus grandes que l'histoire et l'héritage de cette nation.
Chers compatriotes, ce dimanche 25 février 2024, à moins de 40 jours de la fin du mandat du président sortant et après 12 années aux commandes du pays, nous n'aurons pas le luxe de voter à date. Nous ne pourrons pas choisir de nouveau le sénégalais avec qui nous souhaiterions, par la grâce de Dieu, marcher vers l’avenir, pour les 5 prochaines années ; conformément à la charte fondamentale qui détermine la forme de gouvernement du pays dans lequel nous sommes citoyens. L'élection n'est pas organisée !
Quelle trahison ! Quelle frustration ! Quelle tristesse ! Je ne dirais pas « Rest In Peace » à la démocratie sous ma terre mère, parce que je ne m’y ferais jamais. Mais, aujourd’hui, je suis sûr qu’elle est dans le Coma et qu'il faudra le réanimer vite et bien.
Vive le Sénégal, hommage au peuple sénégalais et honte aux hommes politiques incapables d’incarner nos institutions avec rationalité et pudeur, hauteur et dignité.